De Fontibre

Statue de la Vierge sur le lieu de naissance de l’Èbre. Elle a été offerte par des cyclotouristes qui ont fait le même trajet que nous (mais dans l’autre sens), en suivant le fleuve de sa source ici jusqu’à son embouchure dans le Delta de l’Èbre. « En hommage à la Vierge du Pilar, le groupe cyclotouriste Sidenor (Reinosa) organise sa première randonnée Fontibre – Deltebre. Août 1998 » Fontibre. Municipalité de Hermandad de Campoo de Souso, Province de Cantabrie, Communauté autonome de Cantabrie. Espagne – 9 Décembre 2023.

Holà,

C’en est fini des odeurs des olives mûres dans les champs et provenant des camions qui nous doublent ainsi que de celle du vin qui fermente lorsque nous passons devant les caves, des kakis qui flamboient dans les jardins, des orangers qui deviennent de plus en plus oranges, des citronniers au parfum de tarte au citron et des camionnettes aux remorques chargées à ras bords des récoltes d’olives familiales. Grand merci à Francisco, Gina et Guida au Portugal qui, pour notre pause de midi, nous ont fait déguster leurs olives et vin faits maison accompagnés d’une grosse tranche de pain.

Depuis, nous avons retrouvé les forêts d’eucalyptus, puis énormément de maïs dans la province de Zamora (Espagne). Les températures ont bien baissé aussi et nous sortent d’une semaine avec des -2, -3 degrés. Les problèmes dûs aux mains et pieds mouillés sont revenus mais nous nous préservons au maximum et gardons le moral.

Lors de notre journée de visite de Porto, et surtout de l’embouchure du Douro, nous avons eu l’agréable surprise de faire la rencontre de 3 jeunes Bretons, 2 garçons et une fille. Partis de Vannes 4 jours plus tôt, avec dans l’idée de rejoindre l’Amérique du Sud, ils étaient venus amarrer leur petit voilier au quai où l’on trouve plus facilement des rabelos, ces fameux bateaux qui acheminaient jadis les barriques de vin de Porto et qui maintenant transportent des grappes de touristes.

 » Normalement c’est interdit mais on a lu qu’au pire la police nous demandera de partir, alors on est là, on profite de la très belle vue avant de filer demain vers l’île de Madère. »

Parler avec eux, les regarder de loin tout absorbés par la lecture du Comte de Monte-Cristo nous a rappelé nous, plus jeunes. Voyager un peu dans le sillage de gens comme Bernard Moitessier était notre rêve, jusqu’à ce que Toto fasse une expérience, de 3 semaines de mer par temps difficile, qui lui a fait réaliser qu’il ne serait jamais tout à fait un marin. Il a aussi compris qu’en plus de coûter cher (achat, réparation, frais portuaire), avec un voilier il était quand même assez difficile lorsqu’on est à l’étranger de partir librement visiter le pays. Naviguer sur les bateaux des autres lui a paru alors une bien meilleure option.

Pour la petite histoire, c’est peu après cette croisière des plus exigeante que, grâce à Thierry, un ami cycliste belge qui venait de traverser le continent américain (de l’Alaska à la Terre de Feu), nous avons envisagé des périples à vélo, puis toujours grâce lui que nous en avons achetés et donné nos premiers coups de pédales comme cyclo-touristes en Floride

Rencontrer, même brièvement, ces jeunes gens nous a fait du bien. En prenant de l’âge, il se peut que nous nous ramollissions, ou du moins que l’on trouve plus dur des choses que nous faisions sans rechigner par le passé. Eux partaient pour une grande traversée. Nous aussi, nous allons concevoir notre retour à la maison un peu pareil.

Après tout, il y a bien des similitudes entre le cyclisme et la navigation. L’importance d’avoir le vent avec soi, de se fixer un cap (avec parfois la nécessité de se dérouter), la résilience nécessaire face aux intempéries comme les gros grains, la frustration quand ça n’avance pas et le plaisir quand tout roule, l’absence de beaucoup de confort, des menus pas vraiment gastronomiques, la gestion de la fatigue et du matériel même si sur ce point c’est tout de même un brin plus facile à réparer et bien moins onéreux qu’un démâtage !

Dernièrement, la miss a explosé sa roue arrière : un décollement de la jante, du jamais vu ! Ça s’est passé entre Ferreira et Barrosos au nord du Portugal. Les freins faisaient boum là où le métal s’était soulevé. Pascal et Paõlo ont bien essayé de nous aider. Mais la roue que Paolo avait dans son atelier n’était pas compatible avec la cassette. Dirigés vers Barrosas puis vers « Unibike », nous avons dû rouler jusqu’à Amarante pour trouver enfin, nous déroutant ainsi au sud, zut ! La difficulté était que nos roues sont d’un diamètre classique de 26 pouces, de plus en plus obsolète.

L’an passé déjà, en Espagne nous avions galéré pour dégoter un pneu de bonne qualité de cette taille. Maintenant on trouve plus facilement du matériel pour des roues de 27,5 ou 29 paraît-il. C’est pourquoi un vendeur nous a suggéré récemment de songer à changer de bicyclette !

Par contre, parmi les choses qui diffèrent beaucoup on peut dire que sur un bateau on a généralement beaucoup de temps pour lire. Circuler à vélo comme nous le faisons, avec en plus le souci de faire des reportages photos, ne nous laisse guère le temps ou l’énergie de nous cultiver. Déjà écrire ces petites notes pour le blog, c’est parfois compliqué.

Depuis l’avarie de la roue nous avons bien avancé. Débarrassés de tout objectif à visée photographique (il n’y avait pas de fleuve à suivre sur cette portion de trajet) nous avons pu rouler plus chaque journée, d’abord sur la Nationale 2 au Portugal, ensuite un peu à travers la Galice puis la Castille-et-Léon pour atteindre finalement Fontibre dans la province de Cantabria.

Bonne nouvelle : le physique a tenu, pas d’énième tendinite à l’horizon.

Sur le parcours, nous bénéficions de quelques encouragements bienvenus, comme Ruth et Alberto qui nous invitent à nous réchauffer d’un café au lait avec « tostadas con aceite » alors que nous prenions une photo devant leur maison.

Une fois à l’intérieur, nous faisons la connaissance du reste de la famille et nous sommes autorisés à photographier l’origine de la chaleur qui règne : « la gloria », un système de chauffage par le sol alimenté par un feu de bois « souterrain ». L’invention serait romaine et eux ont toujours vu leurs ancêtres procéder ainsi. Les maisons de la région de Palencia seraient pareillement équipées.

Maintenant, il ne nous reste plus qu’à suivre l’Èbre jusqu’à Logroño (la ville où nous l’avions laissé il y a un mois et demi environ) puis franchir pour la dernière fois les Pyrénées. Si la météo le permet, le plus court sera de passer par Pampelune et Saint-Jean-Pied-de-Port. Sinon il faudra aller à Irun ce qui nous rallonge de pas mal le chemin vers nos pénates. « A Ver » (voyons) donc si nous allons avoir de la chance !

Suerte à vous aussi,

Hélène et Thomas