Greta Thunberg, venue soutenir les oposants à l’A69, lors de l’interview par les médias des défenseurs du climat de la délégation internationale. Ça se passe juste après la conférence de presse dont ils étaient les derniers intervenants, après 5 habitants de la ZAD Crem’Arbres et le collectif La Voie est libre qui résistent contre ce projet d’autoroute entre Toulouse et Castres. Premier jour du week-end de mobilisation « La Cabanade contre l’A69 ». Saïx, Département du Tarn, Région Occitanie. France – 10 Février 2024.
Bonjour,
Cette quinzaine, il était prévu de vous parler dans ce blog de l’Espagne et du Chili. Mais une visite, samedi 10 février, a bouleversé nos plans. Nous ne pouvons ignorer la venue de Greta Thunberg, accompagnée d’une délégation internationale d’activistes climatiques, sur le chantier de la construction de l’autoroute A69 à Saïx, près de Castres, dans le Tarn.
C’est vrai que, pour cette lutte, nous n’avons pas pu nous investir pour la documenter (faute de temps et de moyens) comme nous l’avions fait à Sivens (voir ici les reportages) il y a presque dix ans maintenant, toujours dans le Tarn. Tout juste avons nous documenté la manifestation qui avait réuni entre 4 500 et 8 000 opposants au projet de l’autoroute Toulouse-Castres le 22 Avril 2023 (cf Post du 30 avril 2023 sur notre blog). Toutefois, bien sûr, nous suivons attentivement via la presse le développement de cette histoire.
Donc samedi matin, Toto, dans la petite revue de presse qu’il fait généralement accompagné de son premier café, a appris que Greta était annoncée à Saïx ce jour même.
Était-il possible de l’avoir photographiée à Katowice en 2018 (COP 24) alors qu’elle commençait à peine à être connue, puis à Madrid en 2019 (COP 25) alors qu’elle était devenue une icône mondiale, et enfin l’année suivante à Glasgow (COP 26) et de ne pas se rendre à une cinquantaine de kilomètres de notre camp de base ? À chaque fois, pour ce que nous avons vu, nous avons trouvé son comportement impeccable. À notre humble avis, quoi qu’on en dise elle restera comme une personnalité marquante de ce nouveau millénaire dans les livres d’histoire.
Mais comment faire ? Y aller à vélo risque de nous faire arriver trop tard. Après quelques coups de téléphone, la solution trouvée est la voiture des voisins (Merci à eux !). Alors, c’est le branle-bas de combat. Même s’il pleut des cordes, une poignée de céréales est ajoutée aux bols en plus des tartines, un demi pain est glissé dans le sac avec une bouteille d’eau et nous voilà partis.
C’est un peu avant midi que nous approchons du lieu. De loin déjà on sent l’odeur des gaz lacrymogènes et la présence des gendarmes nous confirme que nous sommes bien sur le bon chemin.
D’après les nouvelles, la conférence de presse a été retardée à cause de barrages de gendarmes qui bloquaient les routes. Ces derniers surveillent la route et la voie ferrée dont la circulation entre Toulouse et Mazamet a été interrompue pour le week-end, durée de la mobilisation baptisée « La Cabanade contre l’A69 » (construction de cabanes). Elle est interdite par la préfecture qui précise qu’elle est autorisée sur un terrain privé avec l’accord du propriétaire ; ce qui est le cas ici dans cette ferme.
C’est à midi et quart que nous atteignons le « hangar vert », sans gaz et protégeant de la pluie. Une bande rouge et blanche (rubalise) sépare les outils agricoles et le fourrage de la zone de réunion. Sur cette délimitation, un drapeau jaune de la Confédération paysanne et plus tard on aperçoit celui d’Extinction Rebellion avec son sablier sur fond vert perché sur l’épaule d’une manifestante. Quelques personnes mordent dans leur sandwich ou mangent dans leur tupperware en écoutant la conférence de presse qui a commencé.
Sur une remorque-estrade, 5 habitants de la ZAD aux visages masqués (pour raison de sécurité et pour éviter la personnalisation du mouvement qui se veut horizontal, expliquent-ils) donnent des nouvelles de la lutte et répondent aux questions. Ils sont encadrés de sculptures en papier mâché (c’est la période de Carnaval) : un écureuil symbole de la lutte à gauche et de l’effigie du président Emmanuel Macron à droite.
Ils nous parlent des militant qui ont été arrêtés et qui sont sous contrôle judiciaire car les procès ont été reportés. Il n’y a pas de procureur nommé à Castres ce qui empêche et ralentit les procédures. Avec leurs masques en carton (certains à l’image d’animaux), ils sont parfois presque inaudibles sauf celui qui glisse le micro dessous. L’un nous fait rire car les trous pour les yeux sont mal positionnés et il n’arrive pas à lire le texte sur son ordinateur qu’il tient en l’air à bout de bras.
Les intervenant suivants sont ceux de « La Voie est libre » avec gilets verts imprimé d’un poing levé. Nous apprenons que 4 recours n’ont pas été jugés. Une nationale c’est 8 000 voitures par jour, une autoroute 25 000. Ce n’est pas un milliard que coûterait l’aménagement de la voie ferrée, c’est une dizaine de millions. Large de 6 mètres, on peut la doubler pour que les trains puissent se croiser.
Puis c’est le tour de la délégation internationale : un Espagnol au tee-shirt « futur végétal », une Belge qui nous raconte que dans son petit pays ils ont réussi à construire 150 000 km de routes, soit de quoi faire 4 fois le tour de la Terre, un Suédois, une Suédoise, Greta Thunberg qui reste silencieuse sur scène (dans son blouson rose et avec un keffieh palestinien autour du cou), sa seule présence étant un soutien de poids.
Lorsqu’ils descendent de scène, les caméras et micros se précipitent sur eux et les entourent alors que la fanfare se met à jouer. Un garçon d’un dizaine d’années grimpe sur les tables et se met à rapper au micro avec ce refrain : « Aaaaa 69, on n’lâchera rien, on n’en veut pas, c’est pas du bluff. »
Malgré un environnement bruyant, les interviews se terminent. Greta Thunberg dont la parole est guettée s’est exprimée face aux caméras, qualifiant de « folie » ce projet d’autoroute.
Pour illustrer ce post, nous avons choisi de présenter ce diptyque où Greta et la délégation internationale sont assaillis par les tv, radio, photographes (dont nous !) et curieux armés de smartphones. La photo de gauche, elle regarde la pancarte brandie par Jean-Baptiste Reddé dit Voltuan, très souvent présent dans les luttes sociales et environnementales et maintes fois photographiée par le passé en France comme à l’étranger. La photo de droite montre le caractéristique attroupement stressant autour de Greta ainsi que Voltuan de dos, en blanc, qui brandit sa pancarte au lettrage multicolore qui fait sa signature. Il a fait un jeu de mot avec Delga et dégâts. (Delga, le nom de la Présidente du conseil régional d’Occitanie qui soutient le projet d’autoroute) ; l’autre côté de son panneau était écrit : « Stop à L’A69 ! ».
Dehors, une grande tente blanche propose (contre un don à déposer dans une boîte en fer blanc) une assiette garnie : tartine d’houmous, semoule, légumes et pois chiches. Dans la tente verte voisine, on lave soi-même son assiette vidée et sa cuillère. À l’arrière de ces tentes, 5 toilettes sèches et plus loin dans le champ, une quarantaine de tentes de campeurs sont installées. Au bout du champ vers lequel tout le monde se dirige, on entend les cris et chants des manifestants et on aperçoit les silhouettes des gendarmes.
En se rapprochant, on voit les cabanes perchées dans les arbres jouxtant la voie ferrée. La fanfare joue à deux reprises « Les rois des platanes« , l’emblématique chanson de cette lutte tandis que des personnes vêtues de noir et munies pour certaines de raquettes de tennis se tiennent à une dizaine de mètres des gendarmes positionnés près de la voie ferrée.
Il y a un panneau planté indiquant qu’il est interdit de photographier : « On est un lieu de vie Merci de le respecter. Pas de photo » et un couple de retraités a dû effacer les photos ou la vidéo qu’il venait de prendre à la demande d’un jeune homme cagoulé. Alors nous n’insistons pas. Du fait de la venue de Greta, beaucoup de photographes, de vidéastes, d’équipes de télévisions (TF1, Quotidien…) ont fait le déplacement alors qu’allons nous ajouter de plus ? S’attacher à bien photographier la conférence de presse et les prises de parole ensuite, comme celle de Thomas Brail devant les caméras, suffira pour nos archives.
De retour sous le « hangar vert », au pied de l’estrade, on défait des palettes et on construit des structures de cabanes ou de barricades ? Sur la table du fond, on propose des crêpes contre des dons, à une autre table des productions artistiques, et bien sûr à l’entrée se trouve l’habituelle table des livres, revues, magazines, dossiers hors-série et prospectus (les uns expliquant la lutte actuelle, les autres différentes luttes et les prochains événements à venir).
Un grand carton appuyé sur l’estrade indique :
– Propose ton activité :
Je viens d’arriver avec 30 planches et du câble
– Prioritaire
Construction de barricade à l’entrée de la ZAD / faire une jolie vigi
– À 16h
Cuisine pour découverte de plantes comestibles avec Grenouille Volante (le didgiridoo annoncera le rassemblement pour cette animation)
– 15h :
Chantier de dépalettage
Atelier Théâtre d’impro
Table ronde
Discussion sur le soin
Nous quittons les lieux vers 16h (ce soir, comme le samedi précédent nous sommes invités à manger et nous avons prévu de préparer un dessert !). Sur le trajet, nous croisons une dizaine de personnes qui arrivent avec des paquets de planches dans les bras, sur l’épaule, sur des diables. La « Cabanade » va encore se poursuivre demain.
Le lendemain Greta et la délégation internationale sont attendues à Bordeaux pour participer à une manifestation contre le projet de huit nouveaux forage de puits de pétrole dans la forêt de La Teste-de-Buch, près d’Arcachon en Gironde.
Pour aller plus loin, quelques liens :
– Le site des opposants « La voie est libre » au projet d’autoroute Castres-Toulouse.
– Ici et là, deux résumés de la journée.
– La réaction de Christophe Ramond, Président du Conseil départemental du Tarn, dans une interview de Sud RADIO.
– La polémique lancée par un député sur le moyen de transport employé par Greta Thunberg pour venir à Toulouse.
– Et la dernière tribune en date contre l’A69, signée par plus de 500 soignants.
Bonne quinzaine à vous !
Hélène et Thomas