– Préparatifs pour recevoir la Coupe du monde de football. Berlin, Allemagne – Juin 2006.
– Pancarte de l’AfD (Alternative für Deutschland –Alternative pour l’Allemagne) aux alentours du Centre de conférences mondial (World Conference Center) où se tient la Conférence climatique annuelle (COP 23). Bonn. Allemagne – Novembre 2017.
Bonjour,
Nous avons suivi les dernières élections législatives anticipées en Allemagne avec intérêt. Convoquées par le président Franck-Walter Steinmeier, elles se sont conclues ce dimanche 23 février par :
– la victoire des conservateurs (la CDU, Union chrétienne-démocrate) avec 28,6% des votes.
– le doublement du score, c’est-à-dire 20,8%, de l’AfD (Alternative für Deutschland) qui est le parti d’extrême droite fondé en 2013 pour défendre la sortie de la monnaie unique.
– la débâcle des sociaux démocrates du SPD avec leur pire score depuis le XIXe siècle (16,4%).
– la quatrième place pour les Grünen (les Verts) accusant un recul de 3 points (11,6%). Le parti de gauche Die Linke a fait un score de 8,8% et l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW), le parti anticapitaliste mais aussi antimigrants a obtenu lui 4,97% des voix. Le parti libéral (FDP), membre de la dernière coalition gouvernementale, lui a réalisé seulement 4,33%.
Petit rappel pour ceux qui sont intéressés (les autres peuvent sauter le paragraphe, après il sera question de bagnole !). En décembre 2024, le chancelier Olaf Scholz (SPD) a perdu un vote de confiance au Parlement, après que sa coalition tripartite se soit effondrée en novembre, suite à des désaccords sur la façon de relancer l’économie très mal en point. Durant la campagne des élections législatives qui s’ensuivirent, après plusieurs attaques au couteau de la part d’étrangers, le sujet de l’immigration en tant que problème politique a été dominant. Cette campagne électorale a aussi subi l’ingérence des USA.
D’abord avec les soutiens répétés d’Elon Musk à l’AfD, comme cette intervention dans un meeting de l’extrême droite ; ensuite avec le vice-président américain J.D. Vance. Lors de la Conférence sur la sécurité à Munich à la mi-février, ce dernier a donné une leçon de démocratie ! en s’interrogeant sur l’état de la liberté d’expression en Europe. Il s’est même permis de fustiger « le cordon sanitaire » interdisant l’accès au pouvoir de l’extrême droite. Après son discours qui sidéra l’assistance, au lieu de rencontrer le chancelier allemand encore en exercice, il est parti s’entretenir avec Alice Weidel (la chef de file de l’AfD) comme on l’apprend ici.
Maintenant, il revient à Friedrich Merz (de la CDU) de former un gouvernement sans l’AfD, puisqu’il s’y est engagé, et de tenter de relever les défis en tous genres auxquels font face son pays ainsi que l’Europe. Si nous avons été très attentifs à cette histoire c’est que, comme beaucoup, nous pensons que là se joue en partie la future orientation de l’Europe, si ce n’est sa survie. Au soir des résultats des élections législatives allemandes, le très probable futur chancelier Merz a fait une déclaration historique, sur la nécessité de sortir de la dépendance militaire envers les USA, qui bien sûr n’est pas passé inaperçue en France.
Le retour des Britanniques dans le « game » européen est aussi une chose à considérer. À vrai dire, il ne nous a pas vraiment étonnés. Lors de notre périple outre-Manche, nous avons avons été accueillis plusieurs fois par des gens très solidaires de l’Ukraine avec lesquels nous avons parfois discuté de la politique du pays envers la Russie. Nous avons aussi été impressionnés par la prégnance du souvenir des guerres mondiales au Royaume-Uni : des monuments en hommage aux morts de la guerre (tout comme en France, des statues et sur des stèles locales les noms des soldats tués) et de très nombreux musées. Sans oublier le fameux coquelicot rouge fabriqué avec toutes sortes de matériaux ; des « red poppies » très présents surtout à la fin de l’année et dont la vente permet de récolter des fonds pour les anciens combattants.
En dehors de ces considérations générales, nous avons depuis toujours une curiosité pour l’Allemagne. La miss a appris l’allemand au lycée et l’a pratiqué ensuite au cours des voyages. Nous avons traversé le pays à vélo d’est en ouest, une fois en 2002, y sommes retournés plusieurs fois par la suite. C’est d’ailleurs là-bas que nous avons effectué notre premier reportage en 2006. En ce temps-là, Toto (après avoir stoppé sa carrière d’infirmier hospitalier pour se lancer dans la photo) avait tenté de réaliser son premier travail documentaire dans le milieu où il avait officié à Perpignan, en tant qu’infirmier de rue au MAO Santé (cf post précédent).
Sur le terrain, un grand nombre de ses anciens collègues et partenaires étaient très partants ; il avait aussi le soutien de son ancien patron, un médecin psychiatre qu’il respectait beaucoup, mais le projet capota tout de même. Les conseils d’administration de nombreuses associations, auxquelles des demandes d’autorisation avaient été faites en bonne et due forme, bloquèrent le projet pour des questions de droit à l’image.
Dépité, après plusieurs mois d’efforts et d’attente, Toto décida, sur un coup de tête, de partir documenter la Coupe du monde de football en Allemagne. L’aspect « mass médias » de la compétition l’intéressait et puis surtout c’était un bon moyen de se changer les idées. Pour ce faire, il chargea un vieux vélo dans la malle de la GS Citroën héritée de sa chère grand-mère de Paris et prit la route vers Berlin. Sur le chemin, il s’arrêta à plusieurs reprises pour saluer des amis comme Serpil ou Thomas et Doris, dont nous avions fait la connaissance sur notre trajet retour du voyage en Inde à vélo en 2002.

À Neuenhagen, petit village à l’est de Berlin, il gara sa « Totomobile » de collection à côté de la maison de Elke et Werner, eux aussi rencontrés à la même époque. Alors que nous arrivions de New Delhi, via la Finlande ! cet adorable couple nous avait permis de caser notre tente dans leur étonnant jardin (voir ici) pour plusieurs nuits. Nous avions pu ainsi visiter la capitale en toute tranquillité. Cette fois-ci encore, durant toute la Coupe du monde, Toto alla à vélo photographier la compétition avec son Leica flambant neuf ; appareil photo argentique acheté, en fait, pour réaliser le projet de Perpignan qui lui tenait à cœur.
Chaque jour, en parcourant bien 30 kilomètres aller et retour, il a pu être témoin d’une certaine euphorie qui grandissait chez les habitants au fur et à mesure que le tournoi se déroulait, que l’équipe nationale se débrouillait bien et que l’organisation était saluée. Les discussions qu’il pouvait avoir avec les gens l’informaient du caractère assez nouveau d’un sentiment de fierté nationale, après des années de politiques mémorielles en lien avec la seconde guerre mondiale et l’Holocauste.
À son retour, nous passâmes la fin du mois de juillet et le mois d’août à trier les photos et les scanner afin de pouvoir montrer un portfolio, début septembre, au festival Visa pour l’image de Perpignan. Un festival que nous fréquentions lorsque nous vivions dans les parages (durant les années infirmières). Là, on vous passe les détails mais ce portfolio nous valut d’obtenir une accréditation, sésame pour aller présenter le travail au salon des professionnels.
Des contacts furent pris, notamment avec un responsable d’une grande agence internationale (AP) et puis surtout, nous rencontrâmes Regina, de l’agence française SIPA Press. D’origine allemande, elle fut saisie par le travail réalisé. Pour beaucoup de personnes de sa génération issue des années d’après guerre, il aurait été inconcevable de manifester autant de fierté patriotique. Vous pouvez retrouver ici notre travail photographique sur le renouveau du patriotisme en Allemagne.
À l’hiver de la même année, Toto chargea sa GS d’une planche avec un matelas dessus, de pellicules de films noir et blanc et de quelques livres de photos. Cette fois-ci il prit la direction d’Almeria avec l’idée de démarrer une enquête sur l’agriculture intensive en Espagne. Mais ça c’est une autre histoire… où à la fin il sera à nouveau question de Regina !
Si nous avons beaucoup repensé à ce reportage réalisé à nos débuts à Berlin, c’est que nous avons été très frappés par la teneur des débats outre-Rhin qui sont parvenus jusqu’à nous. En dehors des thématiques économiques et d’immigration communes dans toute l’Europe et ailleurs, il fut aussi question d’un inquiétant rapport décomplexé au passé, encouragé par Weidel, Musk et Vance qui laisse pensif.
Nous laissent aussi bien pensifs les deux informations de dernières minutes qui viennent de tomber alors que nous finissons de rédiger ce post.
La première est l’annulation par la justice de l’autorisation environnementale du projet d’autoroute A69 entre Castres et Toulouse dont nous vous avons souvent parlé dans ce blog. Le chantier est donc suspendu et l’État annonce faire appel de la décision du tribunal administratif.
La seconde est la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour violation du droit à la vie. Elle concerne la mort de Rémi Fraisse à Sivens en 2014. Le jeune homme avait été victime d’un lancer de grenade offensive lors d’un rassemblement contre la construction d’un barrage sur une zone humide. Nous avions documenté cette lutte à l’époque, voir le travail « La Bataille de Sivens ».
C’est sûr que de nombreuses réactions et analyses vont être faites sur tous ces sujets dans les jours qui viennent et même longtemps après. Nous en prendrons connaissance avec intérêt. Voici les premières réactions concernant l’A69 et le premier débat (trop court, clivé et clivant) que nous avons écouté.
Bonne quinzaine à vous !
Hélène et Thomas
PS : – Un podcast sur Alice Weidel, la chef de file de l’AfD, le parti d’extrême droite allemand.
– Une analyse de la percée de l’AfD avec cartes et graphiques.
– Une chronologie de 3 ans de guerre sur le front ukrainien.
– Des nouvelles sur le front de la science, sous la présidence Trump.
– En lien avec notre dernier Post, une interview de Roberto Saviano.
– Un lien pour regarder le documentaire sur Martin Parr : « I am Martin Parr, le photographe so British ».
– Il y a dans le monde de la musique de grands artistes, si discrets que l’on apprend leur existence qu’au moment de leur mort. Le dernier en date pour nous est l’Anglais Bill Fay. En écoute ici.