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Notre butin ramené du Royaume-Uni et d’Irlande. France – 14 Janvier 2025.

Chaque fois, lorsque nous sommes sur les routes à vélo, les gens nous offrent toutes sortes de choses. Le plus souvent c’est de la nourriture comme des casse-croûtes pour le midi, ou du fromage, des fruits et légumes, de généreuses parts de gâteaux, du miel ou des confitures maison… Parfois ce sont des objets, des images, des livres, des coupes ou des médailles comme l’an dernier au Portugal (voir post du 1er Janvier 2024). Nous acceptons toujours volontiers ces cadeaux vernaculaires sauf bien entendu quand ils sont trop volumineux ou trop lourds.

Au retour, ils décorent notre bureau ou nous les rangeons dans des boîtes dédiées. En plus des reportages, ce sont pour nous des souvenirs de voyage qui renseignent, à l’instar des timbres postes, sur le pays que nous venons de parcourir et les gens que nous avons rencontrés.

Durant ce périple au Royaume-Uni et en Irlande, en plus de ces présents (petits ou gros comme le GPS de Sir Gary), il n’a pas été rare que des personnes nous glissent des petits billets ou s’abonnent à notre site (encore Merci !. En 2021, lorsque nous l’avions lancé, Jim (notre ami du Canada) avait beaucoup travaillé pour que l’on puisse être en mesure de récolter de petits dons sous forme unique ou mieux d’abonnements. Bien que cela commençait à se faire déjà beaucoup dans la presse, il est vrai que nous avions énormément hésité. Nous pensions que cela n’était pas trop dans la culture française de faire ce genre de chose et puis nous ne voulions pas « profiter » de la famille et des amis.

Cependant à la même époque, le regretté philosophe, Bernard Stiegler, parlait souvent dans ses interventions d’une économie contributive qu’il fallait construire afin de « bifurquer » (titre d’un livre collectif dirigé par lui) vers de nouvelles directions moins destructrices pour les êtres et la planète.

Aussi des plateformes comme Tipee ou autres voyaient le jour. Pour être honnêtes, au lancement du site et par la suite, cela n’avait pas du tout marché ou presque (encore Merci aussi aux rares personnes qui nous ont suivis alors). Et avant d’aller outre-Manche, nous avions quasiment abandonné cette idée. Dans le milieu du photojournalisme, on parlait souvent de « réinventer un nouveau modèle économique », et nous faisions l’expérience qu’apparemment ce n’était pas vraiment dans cette direction qu’il aurait fallu se tourner. Nous voulions même enlever la page Soutien du site. C’est un ami musicien (Hello Docteur Texte !) qui nous a retenus de le faire : « La page existe, vous ne savez pas, cela peut se débloquer un jour ou l’autre ! »

En France, comme ailleurs, beaucoup de gens sont toujours très curieux de nos moyens d’existence et de production de reportages. Presque à chaque fois quand la discussion s’engage, spontanément ils pensent que nous ferions bien de nous tourner vers des journaux, les magazines ou d’aller quémander des bourses, des subventions, comme par exemple lorsqu’il y a eu, il y a 3 ou 4 ans, la grande commande photographique. De temps en temps aussi, on nous parle de faire des livres.

Nous, nous savons que les journaux ne produisent pratiquement plus de travaux documentaires et nous pensons que ce n’est pas sain pour une démocratie que l’État (donc potentiellement les politiques du moment) perfuse le monde de la photographie (même si il ya beaucoup d’autres choses qu’il pourrait faire). D’ailleurs, à l’heure où nous parlons, il n’en a même plus les moyens semble-t-il, pas plus qu’il n’a de budget… Et les aides privées comme les prix ou les bourses peuvent aussi conditionner, formater d’une certaine manière les projets documentaires ainsi que générer une compétition stérile et dans le pire des cas ressentiment et jalousies tenaces… Concernant les livres, au vu des retours d’expérience que nous avons eus, c’est le meilleur moyen de perdre de l’énergie et de l’argent.

Pour terminer, nous dirons que durant nos voyages au Royaume-Uni ou aux États-Unis pour y faire des reportages, nous avons pu souvent constater que le monde anglo-saxon était très à l’aise avec la notion de mécénat (au Royaume-Uni les demandes de donations sont partout). Mais c’est un mode de fonctionnement qui paraît, pour de bonnes et mauvaises raisons, plus compliqué dans d’autres pays. À cela s’ajoute les problématiques de « Pouvoir d’achat » et de la soit-disant gratuité de « la Culture » sur internet et ailleurs qui pourraient nous amener à discourir dans ce post encore longtemps !

Sinon, cette dernière quinzaine, nous nous sommes attelés à notre triathlon de l’hiver. Avec Jim, nous regardons pour être en mesure de lancer notre nouveau site autour du mois de mars (un site plus facile à gérer lorsque nous sommes sur les routes). Durant notre périple au Royaume-Uni, il l’a beaucoup avancé. Charge à nous maintenant de rattraper un peu le retard afin de mettre, assez rapidement et au fur et à mesure (à partir du printemps on espère), toutes les galeries (une douzaine) qui sont prêtes de notre tour dans la péninsule ibérique de 2022-2023.

Bien sûr, nous avons tous les jours à trier un bon quota des dernières photos faites outre-Manche. Et puis enfin, il nous faut nous refamiliariser avec l’italien afin d’avoir des échanges intéressants avec nos futurs hôtes cet été, si on tient le planning.

Pour quand même sortir du bureau et garder la forme (et ainsi éviter un démarrage difficile lors du prochain voyage), en plus du bois mort que nous scions pour le poêle, des cousins nous ont porté un vélo d’appartement inutilisé. Nous nous sommes motivés à pédaler tous les jours, même quand il gèle ou qu’il pleut, grâce à l’engin qui trône à l’abri, près du stock de bois. Merci bien à eux.

Bonne quinzaine à vous !

Hélène et Thomas

PS : – Pour présenter plus largement la pensée de Bernard Stiegler ici une interview pour le journal suisse Le Temps. À cette occasion, il avait été photographié par Abbas (planche contact à l’appui !). D’autres nombreuses interviews ont été données dans les médias (presse, audio, vidéo) que vous pouvez trouver très facilement, toutes très stimulantes. Sûr qu’il aurait eu beaucoup de choses à nous dire, à l’approche de l’investiture prochaine (le 20 janvier) de Donald Musk & Co.

– Une intervention réconfortante que nous venons d’écouter sur Anton Tchekhov, le médecin, génial dramaturge et nouvelliste russe. Le philosophe Jacques Rancière y présente, en toute simplicité son dernier livre « Au loin la liberté : essai sur Tchekhov ». Il y est beaucoup question d’émancipation et de consolation. À notre retour en France, nous avons eu l’opportunité de regarder le dernier film (très beau) de Louis Malle : Vanya, 42e Rue. Le cinéaste filme superbement une répétition de la pièce Oncle Vania dans un théâtre abandonné de la 42e rue, à New-York.

– Un récapitulatif de la situation juridique du chantier contesté de l’autoroute A69 dans le département du Tarn (France).