Triple affichage sauvage, sur un panneau électrique, dans une rue de Calais. Un message publicitaire d’un cirque avec des clowns est recouvert de l’affiche pour les élections européennes « L’Europe ça suffit ! Le 9 juin, votons pour la France ! » du parti d’extrême droite de Florian Philippot (LP-Les Patriotes), elle-même recouverte par ce collage de portraits noir et blanc. Calais, Département du Pas-de Calais, Hauts-de-France. France – Juillet 2024.
Bonjour,
Une fois n’est pas coutume, on vous poste cette note aujourd’hui plutôt que le 15 du mois. Jim, qui gère le blog de manière impeccable depuis plus de 3 ans maintenant, sera en vacances les prochains jours.
À son retour, nous devrions finaliser le nouveau site en préparation depuis un an. Il se pourrait que notre post du 1er avril (le centième et c’est pas une blague !) annonce son lancement.
Le message précédent était plutôt long et dense alors cette fois-ci on va essayer de faire différemment. Comme vous sûrement, nous sommes bien préoccupés par les nouvelles qui nous parviennent.
On a l’impression d’entrer dans un monde encore plus orwellien qu’auparavant : « La guerre c’est la paix. La liberté c’est l’esclavage. L’ignorance c’est la force », tout ça, tout ça et de nos jours, Zelinsky, un nazi, un dictateur.
La prochaine fois qu’on ira en ville, faudra aller dans une librairie acheter « À ma guise » (As I Please), le livre de chroniques de l’auteur de 1984 que l’on s’est toujours promis de lire.

Une autre personne visionnaire, à laquelle on pense souvent, est Jean-Louis Murat, le Cyrano de la Bourboule comme il a été qualifié récemment (par Grégoire Bouillier). Sa chanson « Chant Soviet », sortie en 2014 (année de l’annexion de la Crimée par la Russie), est à notre sens l’expression, de façon musicale et poétique, d’une vision de l’état de l’âme européenne contemporaine : flottante, évanescente, dévitalisée, vassalisée, etc. Bref, au final elle apparaîtrait pitoyable, coincée et écartelée entre les deux forces putassières se trouvant sur ses bords.
En écoutant attentivement le morceau, on se demande si l’artiste n’avait pas pressenti le lâchage des USA. Lâchage matérialisé ces derniers jours avec le vote à l’ONU (où l’on a vu la Russie, les USA, la Corée du Nord, la Biélorussie et la Hongrie voter ensemble) contre une résolution condamnant l’agression russe ; ainsi qu’avec l’incroyable clash dans le Bureau ovale entre Trump /Vance et le malheureux président ukrainien.
On pourrait aussi évoquer la suspension de l’aide militaire de Washington ou la décision de priver l’Ukraine de renseignements. Alors que nous autres Européens, bercés par les illusions de la Pax Americana et du doux commerce ad vitam æternam, semblons tomber des nues face au potentiel renversement complet d’alliance. « Ayez pitié de nous ! »
Toutefois, des réactions en urgence se préparent. On peut le voir par exemple en Allemagne avec le probable futur chancelier, Friedrich Merz, qui parle maintenant du fameux « quoi qu’il en coûte » (whatever it takes), utilisé la première fois par Mario Draghi (ancien Président de la Banque centrale européenne), revenu sur le devant de la scène avec son dernier rapport.
Hier s’est tenu à Bruxelles un sommet européen pour la défense où le plan de 800 milliards d’euros !, baptisé « Réarmer l’Europe », a été validé par les 27. Il sera intéressant de suivre de quelle manière et avec quels objectifs stratégiques va s’opérer le possible réveil des Européens. C’est ce que nous ferons en continuant à circuler à travers le continent durant les années qui viennent. Espérons qu’il ne sera pas trop tard et que la diplomatie et les enjeux démocratiques (ainsi qu’environnementaux, de justice et de solidarité internationale) ne passeront pas totalement à la trappe.
La chanson en écoute ici et son texte pour les non-francophones :
On a tous un chant
Soviétique
Qui traîne au fond de soi
Un air qui craque
Sous le givre
Ayez pitié de moi
Roule roule le train
Soviétique
Dans une nuit lilas
Corps perdu dans la
Forêt arctique
Ayez pitié de moi
Tout me passe
Le poison chimique
Et je ne réponds pas
Chromosomes d’état
Soviétique
Ayez pitié de moi
Viande rouge
À la pénicilline
Pour la millième fois
Revoilà la putain
Soviétique
Ayez pitié de moi
Où est la photographie
De la fille
À poil dans la taïga
Mais que fait
La putain d’Amérique
Ayez pitié de moi
La personne légèrement
Humide
Fait ce qu’elle veut de moi
Mais que fait
La putain d’Amérique
Ayez pitié de moi
Ce titre est issu de l’album Babel sorti en 2014. Pas notre préféré, mais qui contient tout de même de grandes réussites, comme celle-là également.
Pour raccrocher avec la photographie, en regardant le clip de cette dernière chanson réalisé par Alexandre Rochon (le guitariste du groupe qui a accompagné Murat sur ce disque), il est difficile de ne pas penser au travail iconique de Raymond Depardon sur la campagne française.
Bonne quinzaine à vous !
Hélène et Thomas
PS : – Une petite analyse sur l’hyptothèse de la tentative par les USA de décrocher la Russie de la Chine et sur la réaction des Européens.
– Une émission de radio qui revient sur l’altercation Trump / Zelensky, les nouveaux rapports de pouvoir et des logiques mafieuses.
– Ce vendredi 7 mars a eu lieu, en France comme ailleurs, une journée mondiale de mobilisation « Stand Up For Science » en soutien aux scientifiques américains attaqués par Trump/Musk.
– Une émission de radio de décryptage sur le chantier du réarmement européen annoncé la veille.
– Une interview vidéo de Quinn Slobodian dont on vous a déjà parlé, décryptant la vision capitalistique du monde portée par des penseurs libertariens influents.
– Comme il ne faut pas complètement désespérer des USA, en triant les photos UK nous écoutons assez souvent l’émouvant John Prine. Voir ici, dans ce mini concert, avec un premier morceau bien à propos. Il ne faut pas non plus désespérer complètement de la Russie mais, ces dernier temps, nous n’avons rien entendu venant de là-bas, à part le Chant Soviet muratien.