Look Up! (and speak around) – 1re partie

Samedi 12 mars, nous sommes dans le train qui nous amène à Toulouse. Nous partons photographier une nouvelle Marche Climat organisée au niveau national ; nous les suivons depuis quelques années (voir les reportages sur ce site regroupés dans la galerie « Autour des COPs »). Cette fois-ci, nous avons un peu hésité entre la Marche d’aujourd’hui et le Die-in de demain qui aura lieu Place du Capitole, parce que nous ne voulons faire le trajet qu’une fois. Réalisant que dans le post précédent nous avions déjà mis une photo d’un die-in à Glasgow nous optons pour la manifestation. Et puis sur le programme, nous lisons qu’elle s’appelle : « Grande marche Look Up« , raccord avec l’effervescence autour du récent film sur Netflix d’Adam McKay « Don’t Look Up : Déni cosmique » dont nous vous parlions dans un autre post. Cette comédie dramatique américaine, sur une comète qui va entrer en collision avec la Terre et deux scientifiques qui essayent en vain d’en alerter la population, les médias, les politiques, serait une métaphore de ce que nous vivons avec le réchauffement climatique. Bon choix car le jour suivant le die-in sera annulé pour cause de mauvais temps.

Du train, nous voyons des champs détrempés, il pleut beaucoup, on se croirait de retour en Écosse. Il y a aussi des champs de panneaux solaires, on ne se rappelait pas qu’il y en avait autant. On sent que le printemps est proche avec les premiers arbres en fleurs, blancs ou roses et le jaune des forsythias et des mimosas. À Toulouse, nous arrivons avec une heure et demie d’avance par rapport au rendez-vous fixé à 14 heures pour le départ. Nous décidons de traverser le centre-ville et de nous rendre à la librairie Ombres Blanches pour jeter un oeil aux livres photos. Aussi nous allons saluer dans son magasin une amie de collège.

En chemin, nous en profitons pour observer les changements. Le dealer de mangas préféré de la miss a déménagé Rue de Rémusat, un poster sur la vitrine lui apprend que Naruto a vingt ans et elle traîne un peu le pas. Place du Capitole, une grande banderole blanche avec un liseré noir est déployée sur la façade de l’Hôtel de ville avec ces mots « Mars 2012, Toulouse se souvient », en référence aux attaques terroristes de Mohammed Merah à Toulouse et à Montauban. Ces tristes événements coïncidaient avec le début du tour de France à vélo que Toto venait juste d’entamer.

À la grande librairie toulousaine, l’un monte à l’étage photo tandis que l’autre récupère un livre au sujet de l’Europe repéré dans les nouveautés. Un futur outil pour de futurs projets de reportages ? Place Wilson, devant le cinéma Gaumont, il y a des « guide-files » qui annoncent que le passe sanitaire sera exigé à l’entrée. Ah oui, c’est vrai l’obligation ne prendra fin que lundi. Par contre, l’UGC, incroyable ! est vierge de toute affiche de cinéma et un grand panneau annonce « Caso patrimoine – Achat Location ». Nous pensons qu’il a été victime de la pandémie de Covid-19 qui aurait vidé les salles de ses spectateurs, que nenni ! Nous lirons plus tard qu’il avait déjà fermé en juillet 2019.

Dans la ville rose, du 5 au 13 mars se tient une grande semaine du climat : « CliMars Attaque » (clin d’oeil au film « Mars Attacks » de Tim Burton) avec à la manoeuvre une dizaine d’associations et de collectifs. L’affiche reprend le graphisme de celle de la COP26 à Glasgow, en Écosse : sur fond bleu, une planète stylisée avec des tourbillons et ici ces mots « Climat déréglé et alors ? ». Une semaine entière d’actions est prévue pour « relayer les alertes des scientifiques, discuter des transformations sociales nécessaires qui devraient être au coeur du débat politique, demander aux élu-es et candidat-es à la présidentielle de prendre de réels changements. »

En effet, à un mois des élections présidentielles, des ONG nous informent que les enjeux climatiques occupent moins de 3 % des débats de la campagne présidentielle. Il y a pourtant eu la 26e COP (Conférences annuelle des Nations Unies sur les changement climatiques) précédée en août et suivie ce 28 février de deux rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Mais le sujet de l’environnement a toujours du mal à s’imposer dans l’actualité, et il semblerait maintenant totalement éclipsé par le déclenchement de la guerre en Ukraine qui a des répercussions dans le monde entier avec les enjeux énergétiques et de sécurité alimentaire.

En haut des Allées Jean Jaurès, les manifestants se rassemblent au pied de la statue de Pierre-Paul Riquet. Ils sont seulement quelques centaines lorsque nous les rejoignons, ils atteindront le millier au moment du départ de la marche Look Up. Chance, la pluie s’est arrêtée. Nous avons vu au fur et à mesure que nous photographions des Marches Climat que le nombre des manifestants qui les composent tend à diminuer. À Montauban où nous habitions auparavant, nous apprendrons qu’ils ne sont qu’une cinquantaine de personnes à s’être retrouvés devant la préfecture avant de défiler dans les rues. La dynamique de ces manifestations qui réunissait des milliers de personnes avant la pandémie de Covid-19 a souffert du confinement. Il y aussi la fatigue et le découragement devant l’immobilisme des politiques et la lenteur de la population à être convaincue. En mutation après ces deux années « sous covid », le mouvement des militants pour le climat se pose des questions sur les tactiques à adopter. De nombreux activistes font des burn out et de même qu’à la COP26, ils en témoignent ici. Il existerait même une association « Métamorphose » pour les aider.

Tout comme à Glasgow, nous photographions des participants scientifiques, ici de l’Atelier d’écologie politique (Atécopol), avec leur tee-shirt « scientifique en panique » (arborant quatre vagues de grandeur croissante : « Covid 19, Récession, Changement climatique, Chute de la biodiversité » qui vont s’écraser sur une ville côtière surmontée d’une bulle qui dit « Lavez-vous bien les mains et tout ira bien. »). Nous retrouvons des membres d’Extinction Rebellion, cette fois en tunique blanche avec une couronne de papier sur la tête mentionnant : « Je consomme donc je suis ». En tête du cortège dirigé par des jeunes de Youth for Climate (la jeunesse pour le climat), une banderole mentionne les associations et collectifs locaux qui participent : Alternatiba Toulouse, ANVCOP21, Greenpeace, Attac, L214, FNE Midi-Pyrénées, etc. Derrière, au son de la « Manifanfare », les organisations politiques aussi vont défiler : EELV, l’Union populaire (anciennement La France Insoumise), le Parti animaliste…

En plus des habituels dessins et slogans sur la planète et les dérèglements du climat, il y a de nombreux messages de soutien pour l’Ukraine et son drapeau jaune et bleu orne quelques pancartes. Deux femmes drapées l’une dans un drapeau arc-en-ciel avec « PAIX » en grosses lettres blanches et la seconde dans un drapeau bleu sur lequel est écrit « Empêchons les guerres, Cultivons la paix » distribuent des tracts « Le mouvement de la paix ». Dans le défilé s’affiche la solidarité avec l’Ukraine avec ce slogan qui est crié : « Paix, climat, même combat ! »

Cela fait maintenant un peu plus de deux semaines que l’armée russe de Vladimir Poutine attaque l’Ukraine qui résiste avec à sa tête son Président Volodymyr Zelensky. Trois millions d’habitants ont fui le pays et sont pour l’instant bien accueillis par les pays voisins et européens de l’ouest. Il y a même un étonnement sur l’utilisation du mot réfugiés dont on les qualifie au lieu du mot migrants qui avait prévalu avant pour ceux qui fuyaient la Syrie ou l’Afghanistan (pour ne parler que des exemples les plus récents).

À la manif, organisateurs et participants sont bien conscients que « les crises sont interdépendantes« . « Le régime criminel de Vladimir Poutine se finance aussi par cette dépendance aux énergies fossiles. Sortir des énergies fossiles est nécessaire pour le climat et pour un monde plus stable », explique ainsi Lorette Philippot, des Amis de la Terre France » à l’AFP.

Le cortège avance jusqu’à la Place Wilson avec ses slogans et chants habituels :
« On est plus chaud, plus chaud, plus chaud que le climat ! »
« Et 1 et 2 et 3 degrés ! C’est un crime contre l’humanité ! »
« 1 pas en avant, 3 pas en arrière, C’est la politique du gouvernement ! »
Il y a aussi de la nouveauté avec : « Des gaz à effet de serre, Du plastique dans nos mers, Toute cette société-là on n’en veut pas ! »

Au carrefour, à la sortie du métro Jean Jaurès, un autre groupe de 200 personnes environ « Ago Rap » « Non au pass sanitaire » hésite à les suivre mais part finalement dans l’autre sens, au regret de leur orateur qui aimerait que les luttes s’unissent.

Puis la marche Look Up repart vers le Monument aux morts, avec d’autre slogans « Nous sommes forts, Nous sommes fiers, Écologiste et radical et en colère ! » « Travaille, consomme et ferme ta gueule, C’est ça le message qu’on donne aux jeunes ! » Étonnamment, nous remarquons qu’il y a peu de slogans liés au mot d’ordre de cette marche « dénoncer l’absence de l’urgence climatique et sociale dans les débats des présidentielles » et les pancartes sont bien souvent les mêmes que d’habitude.

Elle atteint les Allées Jules Guesde, derrière le Grand Rond où elle va prendre fin. Là, les différentes organisations qui ont participé prennent la parole et annonce leurs prochaines actions et rendez-vous pour continuer les luttes. Elles préviennent qu’il y a des projets de jonctions de rocades entre elles, de constructions d’énormes bassines agricoles ; elles invitent à venir en bus manifester à la centrale de Golfech déplorant le manque de débat sur le nucléaire…

C’est la fin de la manifestation qui a duré deux heures. Il est proposé de faire la ‘’Danse de la planète’’ qui serait pratiquée dans 65 pays du monde : autour de musiciens, les marcheurs se placent en 3 cercles concentriques qui tournent dans des sens différents, celui du centre marche, celui du milieu trottine et à l’extérieur on court. Puis la majorité des manifestants se disperse petit à petit tandis que d’autres restent à bavarder encore un peu devant le Quai des savoirs.

Toto discute un peu avec ses collègues photographes. Il leur parle de jardinage et se fait conseiller le travail d’une collègue : « tu tapes sur internet « un village et photo » et tu verras c’est magnifique ». Il lui est aussi recommandé de boire du Picon bière pour se détendre.