Ce vendredi 19 avril 2019 à Paris, plus de 2 000 activistes du climat, envahissent le Parvis de la Défense pour la plus grande action de désobéissance civile jamais organisée en France. Elle est dirigée contre 4 sociétés polluantes : EDF, Total, Société Générale, Areva -désormais Orano- (cette dernière ne sera que décorée d'affiches et de peinture jaune) ainsi que contre le Ministère de la Transition écologique et solidaire dont une antenne se trouve dans la tour Séquoia. Ils en bloquent les entrées et placardent des affiches du président français "Macron président des pollueurs" sur leurs façades. L’opération pensée et organisée par Greenpeace France, Les Amis de la Terre, Alternatiba - ANV-COP21 (Action non-violente COP21) s’intitule « Bloquons la République des pollueurs »
Elle s'inscrit dans la "Semaine de Rébellion Internationale". Le mouvement "Extinction Rebellion a un message à faire passer à nos gouvernements : "Nous sommes confrontés à une urgence mondiale sans précédent. La science est claire ; nous sommes entrés dans une période de grave crise climatique et nous sommes au milieu de la sixième extinction de masse : une extinction que nous avons nous-mêmes précipitée." (1)
"Les mouvements de désobéissance civile intensifient leurs actions. À Paris et à Londres,* des milliers de militants ont mené des initiatives chocs, ciblant les grandes entreprises accusées de polluer et les gouvernements pour leur inaction." (2) * -des militants climat bloquent le carrefour d'Oxford Circus à Londres, temple du shopping de la capitale, le 18 avril 2019- À Paris, "Cette action faisant appel à des volontaires partout en France avait été préparée dans le plus grand secret, les militants, qui avaient obligation de suivre préalablement une formation à la désobéissance civile, étant prévenus de points de rendez-vous par sms peu avant." (3) Le 19 avril étant un vendredi, ils sont rejoints par quelques jeunes militants (Fridays For Future) répondant à l’appel mondial des grèves scolaires pour le climat.
Bien qu’il nous ait été impossible d’être présents à Paris ce jour-là pour documenter l'action, qui sur bien des aspects s’apparente à celle photographiée à Pau en avril 2016 (cf Reportage Stop MCEDD), nous l’avons tout de même suivie en direct sur les réseaux sociaux, les chaînes d’infos, les sites d’informations.
Pour en garder une modeste trace, j’ai de temps en temps photographié l’écran de mon ordinateur. Y défilent les « Live » que nous avons trouvés sur le site du journal Le Figaro puis sur Facebook à la page ANV Action non-violente COP21 ou le JTerre -Le J-Terre, l’info des Vivants qui veulent le rester- (4) qui se trouvaient à la Défense.
Bon visionnage de ce premier reportage réalisé en direct Live du bureau de la maison !
Enfin, sur le site Reporterre (« le quotidien de l’écologie ») nous avons trouvé une interview -du 18 avril 2019- de Clément Senechal (Chargé de campagne et porte-parole #climat pour l'ONG Greenpeace France co-organisatrice de l’action) qui nous renseigne sur le pourquoi de ce blocage :
"Reporterre — Qu’appelez-vous la République des pollueurs ?
Clément Sénéchal — Le concept de République des pollueurs vise à montrer l’alliance entre le pouvoir politique, incarné par Emmanuel Macron et son gouvernement, les multinationales, qui par leurs activités industrielles et économiques détruisent la planète et le climat, et les ultra-riches, qui tirent leurs revenus de ces activités et ont un mode de vie qui détruit lui aussi la planète.
Cette alliance bloque ce qu’il faudrait faire pour climat : . réguler l’économie ; . aller vers plus d’égalité sociale ; . et investir l’argent public dans la transition écologique plutôt que dans la pollution.
Au contraire, cette année, 11 milliards d’euros sont partis dans les niches fiscales pour les activités polluantes. Un montant en augmentation, puisqu’il était de 8,5 milliards l’an dernier. La France subventionne la pollution, malgré ses engagements internationaux et le rapport du Giec sur la nécessité de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C !
Il ne faut pas oublier les politiques de Macron en faveur des ultra-riches : suppression de l’impôt sur la fortune (ISF), flat tax, maintien des niches fiscales sur le transport aérien – kérosène, billets d’avion, etc. – alors que ce mode de transport est marqué socialement. À l’inverse, la taxe régressive sur les carburants automobiles pèse plus lourdement sur les classes populaires, proportionnellement à leurs revenus. Selon l’économiste Jean Gadrey, les 10 % les plus pauvres paient plus de quatre fois plus de taxe carbone que les plus riches, proportionnellement à leurs revenus, alors qu’ils émettent 40 % de moins de gaz à effet de serre.
La République des pollueurs, ce sont ces arbitrages en faveur des premiers responsables du changement climatique et de la crise de la biodiversité.
Comment se manifeste ce lobbying ?
On peut citer pléthore d’exemples. Le gouvernement d’Emmanuel Macron avait promis la fin de la vente de véhicules thermiques à l’horizon 2040 – ce qui est déjà lointain, puisque nous demandions 2030. Mais cet objectif a disparu de la loi d’orientation des mobilités, en cours de discussion au Parlement ! François de Rugy, au lieu de se rendre à la réunion des Nations unies sur le climat, la COP 24, en décembre dernier, a rencontré le lobby des constructeurs automobiles. Cela décontenance, alors que le secteur des transports est le plus émetteur en France et qu’on ne tient pas nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur : la loi Grenelle 1 fixait l’objectif de 20 % de réduction des émissions par rapport à 1990, on en est à + 12,4 % ! La facture climatique explose, parce que le pouvoir continue à faire plaisir aux constructeurs automobiles.
De même, alors que l’agriculture est un des trois secteurs les plus émetteurs en France, la loi alimentation adoptée en début de mandature n’a pas du tout pris en compte l’enjeu climatique. Le gouvernement avait promis d’interdire le glyphosate dans trois ans, puis Macron a reviré en disant que ce serait compliqué. Le projet d’interdire l’exportation de pesticides interdits en Europe n’est pas passé. Des cadeaux répétés sont fait à l’agrochimie et à l’agrobusiness.
L’agrobusiness profite aussi de la manne des agrocarburants, largement subventionnés par l’État. La France est complètement frileuse sur le fait de réduire sa consommation d’agrocarburants de première génération. Nicolas Hulot avait dit qu’on arrêterait l’huile de palme dans les carburants pour lutter contre la déforestation qui représente 15 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Il s’est fait finalement tordre le bras et a été obligé d’accorder à la raffinerie Total de la Mède l’autorisation d’importer massivement de l’huile de palme, pour l’aider à faire des profits à court terme. Une première livraison de 20.000 tonnes est ainsi discrètement arrivée à la Mède il y a quelques semaines, avec le soutien du gouvernement. Quand, lors des débats sur le dernier projet de loi de finances, les députés se sont prononcés contre la niche fiscale bénéficiant à l’huile de palme dans les agrocarburants, ils se sont heurtés au gouvernement ! Heureusement, l’Assemblée nationale a tenu bon, ce qui est une victoire. Mais pour le projet de loi de finances 2020, Total a déjà annoncé qu’il allait faire pression sur les députés pour les faire revenir en arrière. Sur les dossiers écologiques, on assiste à une confrontation entre la représentation nationale, plutôt du côté des ONG et de la rationalité écologique, et une alliance entre Macron et Total.
Comment en est-on arrivé là ?
Cela tient à la sensibilité néolibérale d’Emmanuel Macron, qui pense qu’il ne faut surtout pas toucher au business et laisser les multinationales engranger des profits et favoriser la compétitivité et la concurrence pure et parfaite. On sait aussi quel milieu social a financé la campagne électorale de la République en marche.
Mais s’il fallait incriminer un fonctionnement plus institutionnel, ce serait le pantouflage. Macron a été inspecteur des finances, puis il a pantouflé à Rothshild, avant de rétro-pantoufler au sommet de l’État. Aujourd’hui, on n’a pas un gouvernement soumis à la pression des lobbies, mais un gouvernement composé de lobbies ! Emmanuelle Wargon vient de Danone, Brune Poirson de Veolia… Édouard Philippe était lobbyiste en chef à Areva, et la dernière version de la programmation pluriannuelle de l’énergie correspond au scénario défendu par EDF : elle repousse de dix ans la transition énergétique et les investissements dans les énergies renouvelables et prévoit d’investir 10 milliards d’euros dans une industrie nucléaire qui court à sa perte !
Que peut-on faire, en tant qu’individu, pour lutter contre ces lobbies ?
On peut déjà baisser drastiquement sa consommation de viande et de produits laitiers pour lutter contre le lobby de l’agrobusiness, arrêter de prendre l’avion contre les lobbies aérien et fossile, favoriser le train contre le lobby automobile, choisir une banque coopérative plutôt qu’une des six grandes banques françaises qui continuent à investir quatre fois plus dans les fossiles que dans les renouvelables… Ces pratiques individuelles de consommation sont importantes, mais pas suffisantes. Il ne faut pas tomber dans une gestion individuelle de la question climatique, qui est un fait social et politique, pas seulement de consommation. Pour dépasser ce seuil, il faut devenir militant et agir politiquement. Via la désobéissance civile, on combat un système de légalité qui a perdu sa légitimité. L’État français s’est engagé sur une trajectoire pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, qu’il ne respecte pas. Quand il est arrivé au pouvoir, Emmanuel Macron a décidé de ne pas respecter la loi sur la transition adoptée en 2015, en repoussant des fermetures de réacteurs nucléaires. Face à cet État qui ne respecte pas la loi, on est obligé de hausser le ton, de prendre des risques, d’incarner vraiment le monde qu’on veut voir advenir. Des gens sont prêts à prendre des risques physiques et juridiques parce qu’ils ont la raison historique de leur côté. Il est important de se grouper, de faire lien, de faire politique ensemble et de construire un rapport de force plus frontal, avec un pouvoir qui n’est pas du tout du côté de l’écologie. Emmanuel Macron a démontré qu’il n’était pas le champion de la Terre, mais le champion des multinationales et le président de la République des pollueurs. Cette République des pollueurs qu’on a vraiment envie d’affaiblir, de dénoncer et de paralyser demain et dans les mois qui viennent." (5)
(1) https://extinctionrebellion.be/fr
(2) https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/04/20/climat-les-mouvements-de-desobeissance-civile-intensifient-leurs-actions_5452816_3244.html
(3) https://www.la-croix.com/France/Blocages-Defense-contre-Republique-pollueurs-2019-04-19-1301016782
(4) https://www.facebook.com/pg/lejterre/about/?ref=page_internal
(5) https://reporterre.net/Le-gouvernement-d-Emmanuel-Macron-est-compose-de-lobbies
Ce vendredi 19 avril 2019 à Paris, plus de 2 000 activistes du climat, envahissent le Parvis de la Défense pour la plus grande action de désobéissance civile jamais organisée en France. Elle est dirigée contre 4 sociétés polluantes : EDF, Total, Société Générale, Areva -désormais Orano- (cette dernière ne sera que décorée d'affiches et de peinture jaune) ainsi que contre le Ministère de la Transition écologique et solidaire dont une antenne se trouve dans la tour Séquoia. Ils en bloquent les entrées et placardent des affiches du président français "Macron président des pollueurs" sur leurs façades. L’opération pensée et organisée par Greenpeace France, Les Amis de la Terre, Alternatiba - ANV-COP21 (Action non-violente COP21) s’intitule « Bloquons la République des pollueurs »
Elle s'inscrit dans la "Semaine de Rébellion Internationale". Le mouvement "Extinction Rebellion a un message à faire passer à nos gouvernements : "Nous sommes confrontés à une urgence mondiale sans précédent. La science est claire ; nous sommes entrés dans une période de grave crise climatique et nous sommes au milieu de la sixième extinction de masse : une extinction que nous avons nous-mêmes précipitée." (1)