Je dois dire en préambule que je ne me rappelle pas m’être intéressé aux COP avant celle de Copenhague (COP 15) en 2009. Je ne serais probablement pas allé documenter celle de Paris (COP 21) si je n’avais pas été sérieusement blessé au genou, et donc empêché de rouler à vélo sur les routes de France afin de poursuive le travail photographique qu’il me pressait à l’époque de mener à son terme (voir les reportages "Tour de France").
Pour sortir du trou noir dans lequel je me trouvais, stimulé par la lecture d’un entretien de Bruno Latour dans la presse magazine, j’ai décidé presque au dernier moment de m’y rendre, malgré l’état d’urgence déclaré par l'État français suite aux attentats terroristes du 13 novembre 2015 à Paris.
Après les presque 15 jours très fatigants passés à essayer de documenter le plus possible tout ce qui se passait un peu partout dans la capitale (d’autant plus qu’il me fallait squatter le soir dans la famille ou chez des amis - Merci à eux !), je me suis dit (en rentrant au bercail en co-voiturage) que même si photographiquement cela ne m’amènerait certainement pas la gloire il serait intéressant de prendre le train des COP en marche.
Du moins autant qu’il resterait une petite chance que l’on suive les recommandations du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) qui sont, si jamais il y a encore des personnes qui l’ignorent, que nous n’avons plus que 10 ans pour agir vraiment ! contre le réchauffement climatique :
« Le Rapport spécial révèle également que les tendances récentes en matière d’émissions et le niveau d’ambition international que reflètent les contributions déterminées au niveau national, présentées dans le cadre de l’Accord de Paris, s’écartent de la trajectoire à suivre pour contenir le réchauffement mondial bien en deçà de 2 °C. Si des mesures d’atténuation renforcées ne sont pas prises dans les années à venir afin de diminuer fortement les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, le réchauffement planétaire dépassera les 1,5 °C dans les décennies suivantes et provoquera la perte irréversible des écosystèmes les plus fragiles ainsi que des crises à répétition au sein des populations et des communautés les plus vulnérables. »*
Après, à quoi bon documenter le désastre si l’inertie l’emporte, comme mon inclinaison naturelle me pousse à le penser (car je n’ai pas "la chance" de faire partie des optimistes…).
Je m’étais dit aussi que cela nous permettrait d’envoyer balader une bonne fois pour toutes les conseils (qui m’ont toujours plombé !) que l’on nous sort souvent quand il s’agit de photojournalisme. En gros, pour réussir dans ce métier (ou du moins ne pas crever la dalle) c’est facile : il vous faut trouver un bon sujet si possible inédit, sinon développer un angle original ou un style unique, etc. et se faire un gros réseau !
Se rendre à une COP une fois par an (seul au départ puis avec la miss dès que possible), photographier largement ce que le pékin moyen peut voir de ces sommets nous a semblé ni inutile ni prise de tête (il n'y avait plus à choisir la date ni le lieu !). Indubitablement cela pourrait faire des archives plus tard, si jamais un jour quelqu’un se penche sur le sujet (Salut à cette personne !), et surtout ce travail pourrait dans le meilleur des cas motiver plus de nos contemporains à sortir de l’immobilisme et se saisir de ces questions importantes.
Ensuite, libre à nous de rester dans le pays hôte et photographier ce que bon nous semble en fonction de nos préoccupations du moment qui sont, si on regarde nos reportages antérieurs, de toutes façons pas vraiment éloignées de celles des COP.
Souvent quand on nous fait parler de notre travail et que l’on évoque ces COP (Conference of Parties -en français : Conférence annuelle des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques-) nous faisons face à de la méconnaissance ou alors à des réactions du type « Ah bon, vous croyez à ça vous » ?
Ce à quoi nous répondons généralement que le sujet n’est pas de savoir si on pense que c’est "une mascarade" ou si on imagine que cela va produire « des résultats miraculeux ». Pour nous l’idée c’est que les COP sont là, qu’elles réunissent chaque année (sauf en 2020 à cause de la pandémie de Covid-19) beaucoup (sûrement trop) d’officiels et de personnes de la société civile du monde entier, et qu’en tant que documentariste il est intéressant de s’y rendre pour essayer de rendre compte de ce qui s’y passe sur beaucoup de plans différents, sans naïveté si possible mais sans cynisme non plus.
Ensuite, face à l’inertie générale et internationale, il ne tient qu’aux populations et à leurs divers représentants de se saisir de cet outil, de le faire évoluer ou de le casser, d’en proposer un autre, d’organiser un ou des rapports de force, de s’unir, de se mobiliser plus fortement, etc. sans perdre de vue que (si l’on n’est pas un des derniers climato-sceptiques) le temps manque déjà !
Maintenant après avoir "suivi" 5 COP une question se pose à nous. Devons-nous continuer à les documenter du point de vue d’un citoyen lambda un peu curieux comme évoqué plus haut, ou devons-nous essayer d’obtenir des accréditations afin d’avoir accès à plus de choses telles que les salles de réunions où se déroulent les négociations entre les représentants des différents pays ?
Voilà pour une histoire toute personnelle des COP !
À noter que nous avons pris le temps de faire des légendes explicatives et documentées, alors n’hésitez pas à y jeter un oeil ! L’idée n’étant pas d’être exhaustif mais de livrer des éléments afin que vous ayez une idée du contexte des images et des informations dont on disposait lors des prises de vues et au moment de la rédaction.
*https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/sites/2/2019/09/SR15_Summary_Volume_french.pdf
Pour l’histoire officielle c’est ici :
https://unfccc.int/fr
https://unfccc.int/timeline/
Et pour suivre le fil des Nations Unies sur ce sujet :
https://news.un.org/fr/tags/cop26
(Tous ces liens ont été consultés le 24 mars 2021)