Cette année aussi nous nous sommes préparés pour la COP. La 25e doit se tenir à Santiago du Chili du 2 au 13 décembre 2019 et nous comptons de là rouler à vélo jusqu'au Brésil en passant par la Bolivie. Le Brésil devait initialement être l'hôte de l'événement mais l'année précédente (suite à l'élection à la tête du pays du climato-sceptique Jair Bolsonaro) il a annoncé -quelques jours avant le début de la COP24 à Katowice- retirer sa candidature pour l'accueillir.
Pour nous, ce sera l'occasion de faire un reportage dans chacun de ces trois pays d'Amérique latine. Au Chili nous comptons documenter les graves problèmes de sécheresse qui frappent le centre et le nord du pays, puis aller en Bolivie avant de rejoindre le Brésil : découvrir ainsi l’Altiplano andin, la forêt amazonienne (en passant justement par les zones qui avaient brûlé en septembre de cette année et dont les images avaient fait le tour du monde), et tenter de photographier les grandes fermes bovines et les immenses plantations brésiliennes de soja…
Pour supporter l'humidité de l'Amazonie nous nous équipons en conséquence : une nouvelle tente imperméable s'impose avec une moustiquaire intégrale et un nouveau boîtier d'appareil photo étanche (tropicalisé). Las, le soir même de l'achat de ce dernier, l'information tombe : la COP25 est annulée au Chili !
Au Chili, la crise sociale qui a débuté le 18 octobre s'aggrave (émeutes, incendies, une vingtaine de morts) (1), et le président Sebastián Piñera préfère annuler que maintenir dans ces conditions l'accueil de 25 000 personnes (dont des chefs d’État et de gouvernement, des ministres, des délégués et des représentants de la société civile). Plusieurs jours après que les Nations Unies aient hésité entre l'annuler ou l'organiser à Bonn -le Costa Rica aussi a été évoqué- (2) l'annonce est faite que l'Espagne se propose, par la voix de son Premier ministre Pedro Sánchez, pour recevoir le Sommet mondial sur les changements climatiques. Celui-ci va donc finalement être déplacé à Madrid.
Que faire? Les préparatifs pour l'Amérique latine nous ont ruinés. Comment passer maintenant deux semaines en Espagne alors que nous n'avons même pas les moyens de payer le train pour y aller… C'est là qu'intervient la chaleureuse proposition de nos anciens voisins et amis espagnols retournés à Madrid récemment. Mille merci à Hectoras, Marta et Paco le cousin qui va nous loger dans son atelier d'artiste. Les attractifs tarifs de bus à moins de 10 euros !!! nous aident à nous rendre sur place.
En Espagne, en 2006-2007, nous avions travaillé sur le thème de l'immigration et de l'agriculture intensive (voir notre reportage "Le jardin de l'Europe ou le troisième monde"). Ce pays aussi souffre du changement climatique, très touché comme le Chili par la sécheresse. Le déplacement géographique de la COP25, un mois avant la date prévue, a empêché bon nombre de participants de s'y rendre (3) dont les peuples d'Amérique latine. Leur présence est quand même bien visible par exemple lors de la Marche Climat (dont le mot d'ordre était "Le monde s'est réveillé face à l'urgence climatique") où ils étaient en tête du cortège (4) qui a rassemblé 500 000 personnes (20 000 selon la préfecture) le vendredi 6 décembre. Sur les banderoles ils ont pu y dénoncer ce qui se passe au Chili (problèmes des retraites, de l'éducation, de l'eau qui est privatisée là-bas) et qui a généré la crise sociale, politique, économique, morale, et également environnementale (5) laquelle a eu pour réponse une répression policière avec morts, torture, viols, éborgnements. (6)
Le 6 décembre c'est aussi la date du lancement du Sommet Social pour le Climat (Cumbre Social por el Clima) organisé par les Peuples Autochtones et plus d'une centaine d'associations. En parallèle de la COP, (tout comme pour la Marche Climat) ce contre-sommet se tient simultanément ici et à Santiago du Chili où il a été maintenu. L'occasion de se réunir (au centre ville à l'UGT et à l'Université Complutense de Madrid où se déroulent leurs conférences) afin d'échanger et de poursuivre leur lutte (Minga Indígena) pour défendre leurs savoirs et leurs territoires et témoigner des violences qu'ils subissent : assassinats et disparitions dus à l'agriculture intensive et l'extractivisme.
La COP de cette année a été nommée COP bleue car le Chili a souhaité mettre en avant le rôle des océans. Capteurs de chaleur et de carbone, ils souffrent aussi de « l’augmentation de la température […] telle qu’elle entraine une élévation du niveau des mers, une acidification des océans, entrainant des effets irréversibles sur la biodiversité. » (7)
« […] Après une année marquée par des catastrophes climatiques tous azimuts, les appels vibrants de millions de jeunes descendus dans la rue derrière la jeune Suédoise Greta Thunberg, et des rapports scientifiques toujours plus glaçants, les quelque 200 signataires de l'Accord de Paris étaient sous une pression sans précédent pour cette COP25 […]. » (8) Au cours de celle-ci doivent être fixés, entre autres, les règles d’application de l’Accord de Paris avant son entrée en vigueur l’année prochaine, à savoir comment limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C, voire de 1,5°C. Des engagements qui nécessiteront sans nul doute de réduire fortement le recours aux énergies fossiles. En effet, depuis 2015 les émissions de gaz à effets de serre mondiaux ont encore augmenté de 4%. (9)
Pendant ces deux semaines de réunion « [l]’ensemble des échanges s’est heurté à l’obstruction systématique des États-Unis, qui sortiront de l'Accord de Paris en novembre 2020 [d’après la volonté du président Donald Trump], de l’Australie, de l’Arabie saoudite et surtout du Brésil […]. » (10) « "Les principaux acteurs dont on espérait des avancées n'ont pas répondu aux attentes", a déclaré Laurence Tubiana, architecte de l'Accord de Paris, notant toutefois que l'alliance des Etats insulaires, européens, africains et latino-américains, avait permis d'"arracher le moins mauvais résultat possible, contre la volonté des grands pollueurs […]" ». (11)
Malgré les 2 jours de prolongation du sommet, il a été impossible aux représentants des 196 pays de s'entendre. « […] la conférence organisée à Madrid a échoué à trouver un accord sur les règles des marchés carbone internationaux* […]. » (11) "étant donné l'impossibilité de parvenir à un consensus sur un texte intégrant de solides garanties sociales et environnementales, interdisant la double comptabilité et le respect des droits de l'homme." « "Je suis déçu du résultat de la COP25", a déclaré Antonio Guterres [le secrétaire général de l'ONU] dans un communiqué. "La communauté internationale a perdu une occasion importante de faire preuve d'une ambition plus grande en matière d'atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre), d'adaptation et de financement de la crise climatique", a-t-il insisté. "Nous ne devons pas abandonner, et je n'abandonnerai pas."[…] » (8)
« La seule bonne nouvelle est venue de Bruxelles, avec le sommet européen qui a "endossé" l'objectif de neutralité climatique de l'UE d'ici 2050. […] » (12) Pour la directrice générale de la Fondation européenne pour le climat (ECF) : « "[…] le Green new deal de l'Europe, ça me donne de l'espoir que l'Europe va reprendre un rôle de leader dans ces discussions, espère Mme Tubiana, qui estime que cette COP a permis quelques avancées importantes. Dans le texte il y a une reconnaissance de la science à tous les niveaux, particulièrement les rapports du Giec, quelque chose qui a été très difficile d’inclure dans les COPs précédentes". » (13)
« Les Britanniques qui ont officiellement été désignés pour organiser la COP26 ont eux promis de tout faire pour que Glasgow soit un succès. » (8) « Claire O'Neill, qui présidera cette conférence, s'est voulue rassurante vendredi: "Le Premier ministre a parlé de notre engagement légal à la neutralité carbone (...) ce sera notre priorité mondiale numéro un l'an prochain" […] » (12)
« Greta Thunberg a d'ores et déjà prévenu que cette année de préparation se ferait sous la pression de la rue. "La science est claire, mais la science est ignorée. Quoi qu'il arrive, nous n'abandonnerons pas. Nous ne faisons que commencer", a-t-elle lancé sur Twitter. » (8)
De notre côté, après la COP25, nous sommes quand même partis au Chili le 10 janvier pour réaliser les reportages que vous pouvez consulter sur notre site.
* Selon l'article 6 de l'accord de Paris, un pays qui émet beaucoup de CO2 peut s'acheter des réductions d'émissions dans un autre pays peu pollueur.
LIENS Internet, consultés le 14 Février 2021 :
(1) https://www.la-croix.com/Monde/Chili-manifestants-prennent-assaut-grand-centre-commercial-Santiago-2019-11-28-1301063168
(2) https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/10/30/secoue-par-une-violente-crise-sociale-le-chili-renonce-a-organiser-la-cop25_6017460_3244.html
(3) https://www.ouest-france.fr/europe/espagne/madrid/cop25-madrid-dans-une-course-contre-la-montre-pour-organiser-l-evenement-6620279
(4) https://cumbresocialclima.net/marcha-por-el-clima/
(5) https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/28/la-protestation-collective-au-chili-fait-echo-a-une-actualite-sociale-planetaire_6017131_3232.html
(6) https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/13/torture-mauvais-traitements-viols-l-onu-denonce-la-repression-des-manifestations-au-chili_6022786_3210.html
(7) https://www.lenergietoutcompris.fr/actualites-conseils/quels-sont-les-enjeux-de-la-cop-25-au-chili-48659
(8) https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/climat/la-cop25-a-rate-une-occasion-importante_139885
(9) https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-monde/climat-des-mots-aux-actes-14-cop-25-dernieres-negociations-avant-engagements-1
(10) https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1434359/conference-changement-climatique-cop-25-desaccord-marche-carbone
(11) https://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/la-cop25-adopte-un-accord-a-minima-loin-de-l-urgence-climatique-835456.html
(12) https://www.ouest-france.fr/environnement/climat/cop25-les-discussions-poursuivies-au-bout-de-la-nuit-loin-de-l-urgence-climatique-6653428
(13) https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/climat/cop25-a-madrid-la-cop-de-tous-les-echecs_139896
Cette année aussi nous nous sommes préparés pour la COP. La 25e doit se tenir à Santiago du Chili du 2 au 13 décembre 2019 et nous comptons de là rouler à vélo jusqu'au Brésil en passant par la Bolivie. Le Brésil devait initialement être l'hôte de l'événement mais l'année précédente (suite à l'élection à la tête du pays du climato-sceptique Jair Bolsonaro) il a annoncé -quelques jours avant le début de la COP24 à Katowice- retirer sa candidature pour l'accueillir.
Pour nous, ce sera l'occasion de faire un reportage dans chacun de ces trois pays d'Amérique latine. Au Chili nous comptons documenter les graves problèmes de sécheresse qui frappent le centre et le nord du pays, puis aller en Bolivie avant de rejoindre le Brésil : découvrir ainsi l’Altiplano andin, la forêt amazonienne (en passant justement par les zones qui avaient brûlé en septembre de cette année et dont les images avaient fait le tour du monde), et tenter de photographier les grandes fermes bovines et les immenses plantations brésiliennes de soja…
Pour supporter l'humidité de l'Amazonie nous nous équipons en conséquence : une nouvelle tente imperméable s'impose avec une moustiquaire intégrale et un nouveau boîtier d'appareil photo étanche (tropicalisé). Las, le soir même de l'achat de ce dernier, l'information tombe : la COP25 est annulée au Chili !