Deux images frappantes resteront peut-être de la COP26.
- Simon Kofe, Ministre des Affaires étrangères, de la Justice et de la Communication de l'archipel polynésien des Tuvalu, s'adresse à la COP26 (en costume derrière un pupitre et avec de l'eau jusqu'à mi-cuisse) pour attirer l'attention sur la situation des îles (dont son pays) et des côtes, menacées de submersion par la montée des eaux due au réchauffement de la planète.
- Le président de la COP, Alok Sharma, en larmes au moment de clôturer le sommet. Il se dit "profondément désolé" pour les changements introduits à la dernière minute dans le "Pacte de Glasgow pour le climat" par la Chine et l'Inde sur la question des énergies fossiles : "élimination progressive" a été remplacé par "réduction progressive".
Cela faisait deux ans qu'était attendue cette COP26 (26e Conférence annuelle des Nations unies sur les changements climatiques). Annulée l'année précédente à cause de la pandémie, même si le virus du Covid-19 circule encore elle aura finalement bien lieu en Écosse du 31 octobre au 12 novembre 2021 (plus un jour de prolongation). L’Accord de Paris prévoit un bilan mondial toutes les 5 COPs. Durant cette conférence, chaque pays doit présenter sa feuille de route (ou NDC : contributions nationales déterminées) pour atteindre l'objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré C par rapport à l’ère pré-industrielle. Et puis l'urgence est là avec les successions de catastrophes (tempêtes, inondations, canicules et sécheresses sources d'innombrables incendies, et de pertes agricoles…) annoncées par le GIEC dont les rapports sont mieux accueillis que lors du sommet en Pologne en 2018 (voir le reportage "COP24").
Après la COP25 de Madrid, nous nous étions rendus au Chili. Ce pays devait initialement accueillir l'événement mais avait dû l'annuler à cause d'une crise sociale sans précédent (voir le reportage "Le Chili après la COP"). Empêchés de circuler là-bas par les confinements et protocoles sanitaires, nous sommes rentrés nous scotcher à nos ordinateurs, le temps de monter les reportages sur la conférence en Espagne et notre périple au Chili. Ça a surtout été l'occasion de créer ce nouveau site.
Puis, nous souvenant de l'envolée des prix des logements (1 000 euros la nuit !) qui nous avait stupéfiés à Katowice lorsqu'elle accueillait la COP24, nous nous y sommes pris début août pour réserver une chambre à Glasgow. Notre premier interlocuteur a annulé la réservation, dès le premier échange de mails, quand il a su que nous venions pour la COP26. Idem avec notre deuxième interlocutrice ! La raison ? Apprenant la tenue d'un tel événement dans leur ville, ils comptent doubler ou tripler le prix, ce qui nous a été proposé et que nous avons évidemment refusé. Heureusement la 3e tentative sera la bonne.
Pour accéder à l'île britannique, il nous faudra donc présenter un Certificat Covid numérique européen (une preuve de vaccination ou de rétablissement), un formulaire de localisation du passager (Passenger Locator Form ou PLF) et une attestation de pré-commande payée de 2 auto-tests naso-pharyngés à réaliser le jour d'arrivée et à J+2. Le site vers lequel nous dirige les services gouvernementaux anglais nous proposent des tests à 88 £ (104 €) et au-delà ! Il y en a des "scrolls" ; lequel choisir, le moins cher sera-t-il accepté par les autorités sanitaires ? Notre voisine anglaise appelée à la rescousse nous indique celui qu'elle et sa famille prennent lorsqu'ils vont au pays. Merci à eux !
Pour le trajet, impossible d'acheter un billet de train ou de bus en direction du Royaume-Uni. Tous les portails des sites web nous informent, qu'en raison de la pandémie, aucune date ne peut nous être proposée. Et la compagnie aérienne choisie annule notre vol un mois avant le départ. Heureusement on pourra le remplacer mais l'atterrissage ne se fera ni à Glasgow, ni à Édimbourg mais à Manchester ! À nous, une fois sur place, de trouver un bus pour rejoindre le nord de l'Écosse car c'est mission impossible par internet. Bon, "tout" est calé !
Le lendemain de notre arrivée à Glasgow, nous avons droit à un épisode de pluie torrentielles (479mm). Sur le pont que nous devons emprunter, nous avons de l'eau presque jusqu'aux genoux, ça promet ! Dans la ville, malgré une année supplémentaire pour se préparer, cette conférence hébergée au Scottish Event Campus (un Palais des congrès et centre d'exposition dans Finnieston street) sera beaucoup critiquée pour son manque d'organisation. Elle est accusée d'élitisme à cause du scandale du prix des logements et parce que beaucoup de pays qui n'ont pas eu accès au vaccin n'ont pas pu envoyer de délégations. Aussi des participants handicapés se sont retrouvés bloqués et des observateurs se sont vus refuser l'entrée aux salles où ont lieu les négociations.
À la précédente COP de Madrid en 2019, les objets de discussions non résolues portaient sur « les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui doivent être revus à la hausse, l’aide aux pays les plus vulnérables, et l’encadrement des « marchés carbone ». En Écosse fin 2021, arrêter le soutien aux énergies fossiles et commencer à sortir du charbon a été évoqué pour la première fois. Par contre, toujours pas de calendrier ni de contraintes pour l'instant et retard des pays qui ont émis le plus de CO2 à verser des indemnités aux pays qui subissent déjà des dégâts irréversibles dus aux dérèglements climatiques et qui doivent financer leur adaptation au changement climatique. Pour ce qui est des « marchés carbone », des avancées encore insuffisantes ont eu lieu.
Voici un résumé de ce qui s'est passé lors de cette 26e COP.
Déjà, 196 États sont présents et il y a un record de 40 000 participants enregistrés. Les dirigeants du Brésil, de la Chine et de la Russie sont absents alors que leurs pays sont parmi les plus gros pollueurs. Au moment de la sortie du nouveau rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'évolution du Climat) à l'été 2021, Boris Jonhson a déclaré « que le Royaume-Uni prendra des engagements « extrêmement audacieux » dans quatre domaines spécifiques et encouragera le reste du monde à faire de même [lors de la COP26] : « coal, cars, cash, trees » (charbon, voitures, argent, arbres) ».
Ici à Glasgow, certains accords ont été trouvés :
- Une alliance de 12 pays (la BOGA : Beyond Oil and Gas Alliance) s'engage à ne plus extraire ni pétrole ni gaz sur leur territoire.
- Une coalition de 49 pays (High ambition coalition : coalition pour une haute ambition) s'est fixé 15 objectifs pour atteindre celui de 1,5°C.
- Une autre alliance de 87 pays, (GGI-OSOWOG : Green grids. One sun, one world, one grid ou réseau vert : un soleil, une planète, un réseau) pour construire un réseau interconnecté de centrales solaires.
- « Deux alliances d'une centaine d'États prévoient respectivement de stopper la déforestation avant 2030, et de réduire de 30% les émissions mondiales de méthane avant 20301. »
- Vingt pays [...] et cinq banques publiques s'engagent le 4 novembre 2021 d'ici la fin 2022 à ne plus financer de projets à l'étranger si ceux-ci sont liés aux énergies fossiles et sans technologie de capture de carbone.
- Et une quarantaine de pays se sont engagés à abandonner le charbon d’ici à 2030 pour les pays développés et d’ici à 2040 pour les nations les plus pauvres.
« Signe qui inquiète les activistes du climat : ni le gouvernement écossais, ni le britannique n'ont rejoint l'Alliance Beyon Oil and Gas (Au-delà du pétrole et du gaz), lancée lors de cette Cop de Glasgow pour anticiper la fin des hydrocarbures. »
Lors des négociations, la pression de l'Inde, la Chine et l'Arabie saoudite ont affaibli la portée du texte, « à la surprise générale et alors que leurs relations sont tendues depuis plusieurs semaines, la Chine et les Etats-Unis, premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, ont annoncé conjointement "prendre des mesures renforcées pour relever les ambitions pendant les années 2020", réaffirmant leur attachement aux objectifs de l'accord de Paris. » Ultime revendication des délégations indienne et chinoise, à propos de l'engagement à sortir du charbon, elles demandent et obtiennent que le mot "phase out" (sortir) soit remplacé par "phase down" (diminuer). « […] Avant le début de la COP, les Nations unies estimaient que le réchauffement d'ici à la fin du siècle était de 2,7 degrés par rapport au début de l’ère industrielle. Selon les estimations, en prenant en compte les nouvelles promesses faites ces 15 derniers jours, le réchauffement se limiterait désormais à 2,2 ou 2,4 degrés. »
À cette COP, nous n'avons pu avoir accès ni à la zone bleue où ont lieu les négociations entre pays (faute d'accréditation) ni à la zone verte dédiée au public dans le Musée des Sciences (les inscriptions à la zone verte étant « sold out » dès leur ouverture). Il y avait aussi le contre-sommet en ligne (tout comme la COP) ainsi que dans divers endroits du centre-ville avec un programme de conférences très intéressant. À l'entrée, il fallait présenter un auto-test négatif que nous avions eu mais les 2 fois où on a essayé d'y aller c'était complet. Comme on avait déjà suivi le Sommet des Peuples à Madrid (voir le reportage "COP25"), on a abandonné.
Mais nous ne regrettons rien car, du coup, nous avons pu nous concentrer sur la rue et documenter les actions du mouvement XR (Extinction Rebellion). Si les paroles de Greta Thunberg ont plané sur la cop (avec son fameux « blah, blah, blah », qualifiant ces sommets pour le climat de "30 ans de bavardages"), les activistes d'XR eux ont assuré le « show » des revendications. Le mouvement est né au Royaume-Uni et c'était intéressant de le voir dans son pays d'origine.
À Glasgow, XR nous a semblé avoir décidé de faire du "Naming and shaming" (faire honte à un gouvernement, une entreprise, etc ) au lieu de bloquer des ponts ou des routes (ce qui pourrait braquer la population). Ils ont donc ciblé les banques et les entreprises qui financent les énergies fossiles : sit-in de 24 heures devant Morgan Co and Chase, menottés à l'entrée de SSE, banderoles et séance de nettoyage chez Bank of Scotland, danses à Square George devant la statue de James Watt (grand contributeur de l'industrialisation de l'Angleterre avec ses inventions dont l'une des premières machines à vapeur) puis devant la Gallery of Modern Art (dont le bâtiment avait été construit par William Cunninghame de Lainshaw, grand marchand de tabac et de sucre), sirènes face la COP au bord de River Clyde …
On a couru partout pour suivre le maximum des actions qui étaient prévues dans la ville et devant les grilles du Sommet pour le climat. Ce qui nous a étonnés, c'est la forte présence des grands-parents (#Grand-parents pour le climat, pendant du mouvement des jeunes Fridays for Future).
Vous trouverez ici beaucoup de ce que nous avons vu à Glasgow. À noter que nous présentons aussi sur ce site deux galeries supplémentaires concernant cette 26e COP. La première est constituée de captures d’écran d'émissions télévisés retransmettant ce qui se passait dans l'enceinte du Scottish Event Campus où se tenait la COP officielle. La deuxième regroupe des photos faites lors des deux grandes manifestations qui ont eu lieu à Glasgow durant cette COP26 : Climate Strike (Grève du climat) et la Marche mondiale pour le climat.
Bon visionnage !